Homme augmenté mode d’emploi
Si vous n'y connaissez pas grand chose au sujet, voici une première approche faisant le point sur la recherche dans le domaine et les enjeux éthiques et économiques.
Les 2 et 3 avril (2010, ndlr), Megève accueille le premier Congrès International de l’Homme Augmenté. Une réunion de scientifiques, commerciaux, chercheurs et penseurs autour du thème de cet homme nouveau, qui utilise la technologie pour maximiser ses possibilités. Comme souvent lorsque l’on aborde le sujet des biotechnologies, il s’agira d’examiner les bénéfices qui peuvent être tirés (humains et économiques), mais aussi de soulever les questions éthiques, légales et de sûreté. L’homme 2.0, le Bioman de notre enfance, n’est plus confiné aux romans ou aux films de science-fiction futuristes, il a déjà un pied bien ancré dans notre monde.
Membres ressuscités
Cela fait plusieurs années que des prothèses ingénieuses voient le jour. Il s’agit de rendre aux accidentés, handicapés ou amputés une mobilité perdue au niveau des jambes ou des bras. Pour les jambes, la technologie est parvenue à des avancées vraiment significatives, encore faut-il avoir les moyens. Mais au niveau des bras, et des mains, le travail est loin d’être terminé, puisque au-delà des mouvements, ce sont désormais les sensations que l’on tente de reproduire de façon numérique. Cependant, les modèles permettant un lien direct entre la pensée du geste et sa réalisation existent déjà , un petit miracle en soi.
Exosquelette
Qu’est ce que c’est que ce nom barbare ? Les amateurs d’insectes parmi vous le savent déjà  : c’est une sorte de squelette externe, qui dans le règne animal prend le nom de carapace. La nouveauté, c’est que des « armures » de ce type sont développées pour permettre à l’homme d’augmenter sa force et sa résistance. Au Japon par exemple, plusieurs prototypes peuvent être loués, le plus souvent par des institutions médicales. Ces carapaces intelligentes, dotées d’une connectique bien particulière permettent de réaliser les mouvements désirés, mais avec une force bien plus grande produite par la machine. Elles devraient par la suite servir aussi dans le domaine militaire, où leur utilité est évidente.
Remue-méninges
Une autre piste de recherche chez les scientifiques des biotechnologies, c’est la possibilité d’augmenter la mémoire ou le savoir en insérant des puces à cet effet dans le cerveau. Celles-ci fonctionneraient comme les disques durs d’un ordinateur, stockant des données au-delà de la limite naturelle qui est la notre. La possibilité de commande par les ondes cérébrales est aussi à l’étude, et pourrait permettre, par exemple, à un handicapé de diriger son fauteuil par la seule pensée. Quand cette technologie sera développée, on peut imaginer de nombreuses applications au quotidien, le rêve des fainéants…
Éthique en toc ?
Les problèmes soulevés par le développement exponentiel des biotechnologies, on en connaît déjà quelques-uns. Qui conserve les données stockées sur les puces après le décès ? Comment contrôler l’utilisation qui en est faite ? L’explosion d’Internet a posé les bases pour certaines limitations qui pourraient s’appliquer à de nouvelles technologies. Mais ces dernières touchent parfois à des champs inédits, et soulèvent d’autres interrogations : « Dois-je être autorisé à accroître ma capacité de mémorisation par l’ajout de puces électroniques ? Est-ce qu’on devrait avoir le droit de créer de nouvelles inégalités économiques par ce biais ? Comment éviter que ces technologies ne deviennent un moyen de me contrôler ? » Kevin Warwick, professeur à l’université de Reading.
Affaires à faire
Si ces domaines parviennent à des avancées aussi rapides que surprenantes, c’est aussi parce qu’ils réussissent à mobiliser des fonds assez facilement. Il faut dire que les applications médicales qui sont prévues devraient aider amputés, aveugles, et bien d’autres malades. Mais ce n’est pas tout, le domaine du loisir pourrait bien devenir le plus gros consommateur d’améliorations pour humains. Et si l’on en croit les chiffres de l’étude ABIresearch le marché atteindrait les 877 millions de dollars d’ici 2020, à raison d’une croissance de 41% par an ! Selon les industriels du secteur : les technologies existent, il ne reste plus qu’à faire un « business plan » viable pour les produire et les commercialiser.
« Il existe une potentialité destructive du ‘citizen cyborg’. Il faut restreindre la recherche sur les technologies potentiellement dangereuses ». Ce ne sont pas les mots d’un vieillard dépassé, mais de Billy Joy, le fondateur d’Intel. Pourtant, pour beaucoup cette question ne se pose plus, il est trop tard pour s’interroger sur le bien-fondé de ces recherches tant elles sont déjà avancées, voire abouties. Il s’agit aujourd’hui de réfléchir au cadre qui entourera l’utilisation de ces technologies. On peut imaginer que certains rejetteront la pose d’implants pour rester « bio », que d’autres réclameront les mêmes implants pour tous, ou que, dans la logique actuelle de gouvernance globale et capitaliste, quelques élites se verront dotées d’une plus grande force et d’une intelligence supérieure qui leur permettront d’asseoir leur domination sur les non implantés…
Lexique à brac
Androïde : désigne ce qui est de forme humaine, étymologiquement, ce « qui ressemble à un homme »
Bionique : contraction de « biologique » et de « électronique », la bionique est la science qui étudie la façon dont le vivant reçoit et traite les signaux pour l’imiter dans les machines et les robots.
Cyborg : mot d’origine anglaise, contraction de « cybernetic organism » (organisme cybernétique). Désigne un organisme composé de matière organiques et de circuits intégrés.
Homme augmenté : ce concept désigne les techniques liées à l’augmentation des capacités humaines en dehors de son évolution biologique naturelle, on distingue les démarches de réparation, de transformation et d’augmentation.
Hybride : ce vocable est issu du latin classique « ibrida », qui signifie « bâtard, sang-mêlé ». L’idée est celle d’un mélange de deux corps en un, allant d’une simple juxtaposition jusqu’à une fusion parfaite.
Transhumanisme : aussi appelé >H ou H+ en abréviation, c’est une doctrine philosophique qui analyse et encourage l’usage de certaines technologies pour « améliorer la condition humaine », au-delà des contraintes de l’évolution biologique.
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Billet initialement publié sur L’actu à la loupe
Image CC Flickr Roberto Rizzato ?pix jockey? Facebook resident
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Voir aussi ce billet en deux parties de Ariel Kyrou sur la mutation  de Google : première partie & seconde partie.
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