Ma position sur la Loppsi

Le 22 février 2010

Nous sommes maintenant « middle of the road », qui comme chacun le sait « is the most dangerous path ». Et pas seulement pour les hérissons et les ministres de la culture (anciens ou présents) ...

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J’avais même indiqué tout cela lors d’une réunion entre professionnels de la profession en SEPTEMBRE 2008. Réunion où étaient présents beaucoup de beau monde. Mais rien n’y a fait et nous sommes maintenant « middle of the road », qui comme chacun le sait « is the most dangerous path ». Et pas seulement pour les hérissons et les ministres de la culture (anciens ou présents).

Pourquoi la Loppsi me dérange, en l’état :

1. Si je ne remets pas en question la lutte contre les pédophiles, je n’accepte pas la diabolisation d’Internet et la méthode utilisée pour justifier le besoin de l’article 6 de la Loppsi 2,

2. Le sujet est suffisamment d’importance pour s’en occuper sérieusement. La mesure proposée donne la fausse impression que la « pédophilie » est sous « contrôle », alors qu’il n’en est absolument rien. Nos enfants ne seront absolument pas mieux protégés après, qu’avant. Tant que l’on ne s’intéresse pas véritablement aux deux extrémités essentielles de la chaîne : les pédophiles et nos enfants, nous ne faisons pas grand chose,

3. Ce filtrage « télécommandé » va créer des points de faiblesse qui vont fragiliser les réseaux des opérateurs. Le risque de devenir plus sensibles à des cyber-attaques est certain et la paralysie des infrastructures entières du pays sera facilitée,

4. L’Internet sera le premier réseau de flux (les routes, l’électricité, le gaz, la poste …) dont l’architecture et l’usage sera sous le contrôle d’un Ministère de l’Intérieur. Que penser alors, lorsque l’Internet deviendra le réseau fédérateur de la plupart de nos échanges, services et usages électroniques ?

5. L’évolution d’Internet et son modèle économique seront laissés au bon vouloir de quelques équipementiers qui auront réussi à imposer leur matériel de filtrage. L’innovation sera bridée et sous le contrôle de quelques uns,

6. Imposer le filtrage aux Fournisseurs d’accès Internet et uniquement à eux est déjà imposer la méthode. Ne pas associer d’autres acteurs de la filière du numérique est une erreur car ce sujet ne concerne pas seulement les opérateurs. Il y a fort à parier que le filtrage se fera par un système qui forcera l’analyse de tous nos échanges, systématiquement, pour accepter ou non l’établissement d’une session. Outre le fait que ce système aura ses propres défaillances et pourra constituer une back door fantastique pour d’autres puissances étrangères, il sera perméable à la volonté politique du moment, que j’espère toujours bonne et éclairée !

7. Nous n’avons pas modifié la structure d’autres réseaux de flux parce que des pédophiles pouvaient utiliser leurs services, nous allons modifier la structure et l’architecture d’Internet. La tendance a la centralisation fera créer des réseaux non adhérents en région, qui ne créeront aucune valeur ajoutée localement. Le transport aérien est un exemple de réseau non adhérent, qui ne créé aucune valeur sur son passage. Au contraire, le bus est un réseau adhérent. Il est possible de sortir à n’importe quelle arrêt pour créer de la valeur localement. L’infrastructure est un élément essentiel de l’attractivité de nos territoires.

8. Empiler les lois en « i » créé un étrange sentiment de vouloir tout sécuriser, aseptiser et contrôler, pour notre plus grand bien, mais sans véritablement nous associer à la démarche et en n’étudiant pas suffisamment les conséquences et les effets collatéraux. Trop de lois tuent les lois. Le risque d’un rejet massif de la nécessité de réforme, à cause d’une forme inadaptée est loin d’être nul.

Et alors, on fait quoi ?

Et bien déjà on en parle … et en particulier j’attends avec impatience le contact des instigateurs du sujet.

Je n’ai pas la science infuse sur tout, mais en l’espèce :

1. je ne crois pas que le filtrage des infrastructures de télécommunications soit LE sujet et LA solution
2. je ne crois pas que le logiciel Hadopi + contrôle parental sur le poste de l’utilisateur final, soit LA solution

Je l’ai déjà dis, à maintes reprises, il manque un élément ESSENTIEL au dispositif.

L’Internet nous a été amené trop rapidement et trop précipitamment à la maison. Je le dis d’autant plus que je ne suis pas responsable de ce sujet, étant plus focalisé sur l’Internet entreprise, dans le passé. Nous avons laissé ce marché à d’autres. Quand nous avons connecté les entreprises, il y avait des conditions préalables, il y avait du transfert de connaissance à faire et des gens censés être compétents derrière. Bref, cela ne se faisait pas aussi simplement que de brancher une arrivée de gaz sur un four.

Ce qui est vrai pour le gaz, pour l’électricité, pour l’eau n’est pas vrai pour l’Internet où en quelques jours, vous pouvez voir arriver cette « facilité » chez vous, sans pour autant être formé, conscient des usages et des dangers et sans avoir de quelconques disjoncteurs général et différentiels.

Il manque à la maison ces disjoncteurs, des disjoncteurs Internet, calibrés non pas en Ampère, mais en « profil de risque ».

Pour ce qui est de l’électricité, il y a des normes, il y a des installateurs agréés qui ne font pas n’importe quoi … mais je peux aussi m’électrocuter et risquer ma vie. Pour autant, des réseaux aussi dangereux et utiles pour notre vie, comme l’électricité et le gaz sont entrés dans nos habitations, sans l’aide du Ministère de l’Intérieur !

Et bien c’est pareil avec Internet. Il manque des installateurs agréés. Il manque des disjoncteurs, EVIDEMMENT SOUS LE CONTROLE DE L’USAGER. Un installateur agréé peut venir faire une installation électronique conforme aux dernières recommandations en vigueur, mais ensuite, si je veux passer mes disjoncteurs de 300 mA à 30 mA … c’est mon problème et ma responsabilité et je le revendique !

Et c’est exactement ce que je dis avec Internet.

Je veux pouvoir filtrer ce que je ne veux pas, mais je veux pouvoir supprimer tout ou partie de ces filtres s’ils ne sont pas conformes (ou s’ils le deviennent) à ma sensibilité, à mon histoire, à mes ambitions. Ce faisant, je cours le risque que la loi s’applique car je serais sur le territoire Français … et tant mieux. Il n’y a aucun problème à cela et il ne faut pas en faire plus que ce que le bon sens peut régler.

Et enfin, si on veut vraiment que ce genre de système existe, il faut donc s’intéresser à la citadelle, au bastion que constitue la « BOX » des opérateurs. Je le répète, proposer ces BOX a été une bonne chose à court terme et à bien servi les intérêts économiques d’un opérateur, mais à moyen terme, cela freine l’innovation aussi sûrement que ce qui s’est passé dans la téléphonie mobile. Faut il attendre un nouvel Apple pour faire voler en éclat cette appropriation de la création de valeur dans notre maison ?

On me rétorquera que la box fait partie du réseau des opérateurs et constitue un élément de fragilité certain qui doit continuer d’être sous le contrôle des opérateurs, seuls aptes à en assurer la sécurité (ou plutôt celle de leur réseau). Cet argument est à la fois vrai et faux.

Souvenez vous, il y a quelques années, nous allions acheter notre point d’accès Wifi à la Fnac, chez Fry’s ou Pixmania. Cela ne fonctionnait pas si mal. Mettions nous notre vie plus en danger ? Le réseau des opérateurs courrait il un risque plus grand ?

Si l’opérateur acceptait de nous livrer une prise réseau ETHERNET à son infrastructure de services et même plusieurs prises normalisées ETHERNET / IP et nous laisser faire ensuite notre travail, la vie en serait simplifiée d’autant.

En effet, une nouvelle race de box pourrait voir le jour, achetée par les utilisateurs finaux et dont les logiciels pourraient être en OPEN SOURCE (pourquoi pas …) et qui assureraient le rôle de gateway résidentielle de la famille, sous le contrôle des responsables de la famille et non des opérateurs ou du ministère de l’Intérieur.

Cette solution aurait pour immense mérite de ménager tout le monde (opérateurs, gouvernement et utilisateurs) et en plus de créer de la valeur pour les pays qui l’auront compris et pourraient prendre une avance considérable sur un sujet mondial que chacun essaye de circonvenir de sa propre façon régalienne ou minitellienne.

Quel dommage que de laisser à d’autres cette avantage technologique décisif et de rester au bord de nos beaux autoroutes Français en criant très fort parce qu’une voiture étrangère vient de nous écraser les pieds et nous pollue.

» Article initialement publié sur jmp.net

» Illustration de page d’accueil par wheresmysocks sur Flickr

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