OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Poussée républicaine contre l’avortement http://owni.fr/2011/07/25/poussee-republicaine-contre-lavortement/ http://owni.fr/2011/07/25/poussee-republicaine-contre-lavortement/#comments Mon, 25 Jul 2011 10:06:05 +0000 Marie Telling http://owni.fr/?p=74491 Sauf mention contraire, tous les liens de cet article sont en anglais.

C’est un record : au cours du seul premier semestre 2011, 80 nouvelles lois ont été votées par les législatures des États américains pour durcir les conditions d’accès à l’avortement. Le dernier pic remontait à 2005 avec 34 mesures de restriction adoptées. C’est ce que révèle le Guttmacher Institute, institut de recherche américain spécialisé dans la santé reproductive [fr], qui vient de publier son rapport bi-annuel sur l’IVG aux États-Unis.

Depuis 1973 et la légalisation de l’avortement par la décision « Roe v. Wade » [fr] de la Cour Suprême américaine, la droite conservatrice s’est rassemblée dans des mouvements « pro-life » qui ont peu à peu gagné une influence considérable dans la machine républicaine.

En 1992, « Planned Parenthood v. Casey », nouveau jugement de la Cour Suprême, offre aux États une plus grande marge de manœuvre dans la législation sur l’avortement. Ils peuvent adopter des mesures restrictives tant que les contraintes pour les femmes ne sont pas jugées excessives. Cette décision va marquer le début d’une augmentation permanente des mesures anti-avortement.

En tête des États les plus restrictifs, ceux de la Bible Belt [fr] et du Midwest, le Kansas devançant tous les autres. Ceux-là ne manquent pas de ressources pour semer d’embûches le parcours des femmes voulant se faire avorter : délais d’attente, séances de conseils dirigées par des « pro-life », restrictions budgétaires sur les planning familiaux ou encore non-remboursements des frais médicaux.

Une minorité d’États beaucoup plus libéraux respectent encore les fondements de « Roe v. Wade », New York et la Californie en tête.

Si les politiques restrictives sont monnaie courante après 1992, on assiste depuis les « Midterms » de novembre 2010 à une intensification des attaques contre l’avortement. La victoire des Républicains dans une majorité d’États et la popularité du mouvement conservateur du Tea Party [fr] contribuent à cette tendance. C’est ce que décrit Elizabeth Nash, experte juridique au Guttmacher Institute :

L’augmentation des mesures anti-avortement est directement liée aux élections de novembre 2010 qui ont vu l’arrivée de législatures très conservatrices dans plusieurs États.
Il y a aussi eu un bouleversement au niveau des gouverneurs. Certains d’entre eux ont été élus sur des programmes anti-avortement.

Pour Sam Brownback, gouverneur républicain du Kansas, État devenu le plus répressif depuis son élection :

L’avortement est la question morale la plus importante de notre temps, tout comme l’esclavage l’était il y a 150 ans.

On observe ainsi un lien entre l’arrivée de conservateurs à la tête de certains États et l’apparition de nouvelles mesures répressives. C’est le cas du Kansas mais aussi de l’Ohio, de la Floride, du Wisconsin et de l’Oklahoma, dont la gouverneure Mary Fallin « a toujours été pro-life ».

Tout est fait pour décourager les femmes voulant se faire avorter. Parmi les mesures privilégiées par les élus « pro-life », celles qui prévoient des délais d’attente sont les plus courantes. Elles imposent la plupart du temps aux femmes d’attendre 24 heures ou plus entre leur première visite à la clinique et l’IVG.

Ces délais sont souvent accompagnés de visites chez un conseiller qui rappelle les risques de l’opération, parfois de manière mensongère. C’est le cas dans le Dakota du Sud et au Texas où des brochures citent le cancer du sein comme conséquence possible de la procédure.

Lors du premier semestre 2011, cinq États ont adopté des mesures concernant les délais d’attente. Le Dakota du Sud a tenté d’aller plus loin en imposant un délai de 72 heures dans une loi qui a été suspendue par la justice fédérale.

Ces quelques heures de délai peuvent paraître anodines mais elles sont un obstacle de plus sur le chemin des femmes qui souhaitent se faire avorter. Elizabeth Nash du Guttmacher Institute explique:

Les délais d’attente forcent les femmes à faire plusieurs trajets vers des cliniques qui sont parfois éloignées de chez elles. Dans certains endroits, le médecin n’est présent qu’une fois par semaine, voire tous les quinze jours, pour pratiquer des avortements.

Le délai d’attente dépasse alors largement les 24 heures puisque la patiente doit attendre une semaine de plus ce qui peut augmenter considérablement les coûts de l’opération. Les femmes les plus pauvres sont les premières victimes.

Le prix d’un avortement augmente ainsi en fonction de la gestation, allant de 425 dollars pendant les dix premières semaines à plus de 1500 dollars plus tard dans la grossesse. Le remboursement de la procédure dépend de son assurance et de l’État où l’on vit.

Certains États limitent ainsi les remboursements aux cas de viols, d’incestes ou lorsque la vie de la patiente est menacée. D’autres comme le Kentucky ou le Kansas ne l’autorisent que dans ce dernier cas. Les femmes les moins favorisées font les premières les frais de ces politiques.

Derniers remparts face aux législatures des États, les cours de justice fédérales jouent un rôle primordial dans la lutte contre les restrictions. Depuis le début de l’année, elles ont bloqué plusieurs lois votées par le Dakota du Sud, le Kansas ou l’Indiana. Mais les juges fédéraux ne peuvent rien contre les coupes budgétaires imposées aux planning familiaux et seule une minorité de lois ne verront pas le jour grâce à leur intervention.

Que la loi passe ou pas, l’élu qui l’a défendue sortira grandi auprès d’un électorat « pro-life » généreux dans le financement des campagnes électorales. Certains politiques proposeraient même des lois qu’ils savent condamnées d’avance pour séduire la frange conservatrice du Parti républicain.

La question de l’avortement s’invite aussi dans les élections et les débats nationaux. Les élections de 2012 devraient avoir leur compte de débats sur l’avortement. Beaucoup moins centrale que l’économie, la question de l’IVG reste tout de même très importante chez les Républicains. Être « pro-life » ne vous offrira pas la victoire, mais soutenir l’avortement peut être synonyme de défaite. En 2008, alors que Rudy Giuliani était considéré comme favori, ses positions « pro-choice » lui ont fait perdre le caucus de l’Iowa.

Pour Elizabeth Nash :

Les primaires ont tendance à attiser les extrêmes des deux parties, donc l’avortement sera sûrement une question importante pour la frange la plus conservatrice des Républicains. Le Tea Party est d’ailleurs très actif sur la question.

La liste Susan B. Anthony, groupe « pro-life », demande ainsi aux candidats aux primaires républicaines de s’engager à ne nommer que des juges ou des politiques pro-life aux postes clés du gouvernement fédéral. Le « Pro-Life Leadership Presidential Pledge » a déjà été signé par six candidats républicains.

Le durcissement des lois sur l’avortement devrait donc rester un argument électoral majeur pour les Républicains. Dans tous les cas, 2012 sera riche en joyeuses campagnes de comm’ :

Toutes les données utilisées pour les cartes sont issues de rapports du Guttmacher Institute.

Retrouvez notre dossier sur l’avortement :
L’avortement aux Etats-Unis: un débat graphique
L’avortement et son dégradé de lois dans l’Europe chrétienne

Image CC Flickr Amphis d’@illeurs

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Tea Party & Sarah Palin: une infusion de com’ saveur réac http://owni.fr/2010/11/17/tea-party-sarah-palin-infusion-de-communication-saveur-reac/ http://owni.fr/2010/11/17/tea-party-sarah-palin-infusion-de-communication-saveur-reac/#comments Wed, 17 Nov 2010 14:53:27 +0000 Olivier Cimelière http://owni.fr/?p=35948 Cette percée fulgurante du Tea Party qui bouscule les lignes politiques conventionnelles, repose sur une communication binaire surfant volontiers sur un détonnant cocktail où les peurs sociétales de l’Amérique profonde s’entremêlent aux valeurs ancestrales des Pères Pèlerins, fondateurs de la Nation américaine.

Difficile aujourd’hui de prédire si le Tea Party relève de la bouilloire contestataire sans véritable lendemain ou si au contraire, cette décoction populiste va continuer à infuser dans une opinion publique américaine chauffée à blanc par la récusation des élites et la crise financière. Décryptage d’un phénomène politico-médiatique aux idées courtes mais aux longs effets de traîne que réseaux sociaux et postures communicantes chocs sèment à tout vent. Avec en embuscade depuis son Grand Nord sauvage, une Sarah Palin revigorée et sans complexes pour lancer une OPA sur le Tea Party et se positionner pour 2012.

Les pionniers du Tea Party débarquent

Si le site officiel du Tea Party attribue la paternité du mouvement à un ancien Marines de carrière dénommé Dale Robertson, force est de constater que cette figure tutélaire affichée s’est pourtant diluée au profit de personnages nettement plus marquants. Lors de la campagne électorale de mi-mandat qui vient de s’achever début novembre, Dale Robertson a été largement éclipsé par une flopée de candidats « grassroots » qui ont fait le miel des médias en mal de portraits croustillants.

Signe des temps numériques ou pas, les militants du Tea Party décernent plutôt l’acte fondateur du Tea Party à une blogueuse implantée à Seattle, ville berceau d’entreprises américaines aussi mythiques que Boeing, Microsoft, Starbucks et Amazon et surtout qualifiée de « Mecque des libéraux radicaux » dans la bouche dédaigneuse des conservateurs les plus durs. Bien que la « marque » Tea Party soit en réalité apparue dans la foulée de la crise financière de 2008, la légende retient prioritairement le nom de Keli Carender comme étant l’instigatrice qui a provoqué la véritable étincelle de l’écho médiatique dont jouit aujourd’hui le mouvement.

Énervée par le « stimulus package » de Barack Obama, un plan visant à injecter 787 milliards de dollars pour redynamiser l’économie américaine en berne, elle ouvre un blog en janvier 2009 pour faire entendre son opposition virulente. Sur ce blog, elle se présente sous les traits masquées d’une super-héroïne prénommée Liberty Belle qui « ne veut pas s’asseoir oisivement à regarder les sociaux-démocrates, les socialistes ou les communistes essayer de dominer ce pays ».

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Le ton est donné. Le mois suivant, elle s’empare de l’emblème Tea Party, lance un appel à la mobilisation et réussit à faire descendre dans la rue 120 personnes. Fière de son coup d’essai, elle enfonce le clou à plusieurs reprises à travers son blog. Six semaines plus tard, 1200 personnes se rassemblent pour sa Tax Day Tea Party à Seattle.

Son initiative rencontre d’autant plus d’écho qu’en février 2009, l’ascension médiatico-politique du Tea Party bénéficie d’un effet d’aubaine amplificateur non négligeable. Peu de temps après la première manifestation de Seattle, un journaliste TV, Rick Santelli, s’égosille en direct sur CNBC le 19 février 2009 contre la décision du Président des États-Unis de consacrer 75 milliards de dollars pour venir en aide aux propriétaires croulant sous les dettes et les saisies d’huissiers. Pour contester ce qu’il estime être une dilapidation de l’argent du contribuable, il suggère l’idée d’organiser une « Tea Party » à Chicago. La vidéo publiée dans la foulée sur YouTube, rencontre aussitôt un succès phénoménal. La légende du Tea Party est en marche !

« Tea Party » ou le code génétique de l’Amérique

Dans la conscience collective nationale, l’épisode haut en couleurs du Tea Party de Boston constitue un puissant et magnétique référent culturel et patriotique au même titre que l’exécution de Louis XVI en France qui précipita la chute de la royauté française en 1789. En d’autres termes, la « Boston Tea Party » est indéfectiblement enchâssée dans l’ADN de l’Amérique des Pères Fondateurs. Cette page glorieuse est en effet le premier acte de désobéissance civile de l’embryonnaire nation américaine à l’égard de la tutelle royale anglaise.

En 1773, une soixantaine de Bostoniens grimés en Indiens grimpèrent à bord de trois bateaux de la Couronne britannique mouillant dans le port de la ville et jetèrent par-dessus bord les cargaisons de thé. Objectif : protester contre les taxes imposées par la monarchie anglaise aux 13 colonies d’Amérique du Nord. Cette contestation marquera le coup d’envoi de la Révolution américaine, un conflit armé au cours duquel l’Amérique de George Washington déclarera son indépendance en 1776 avant de parvenir à se la voir définitivement accordée par Londres en 1783.

De ce fait saillant de l’Histoire de la bannière étoilée, les supporters du Tea Party en tirent aujourd’hui un argument instaurateur pour revenir aux fondamentaux de l’identité unitaire américaine dont à leurs yeux, la nation contemporaine (surtout celle de Barack Obama !) s’est bien trop éloignée. Les mêmes oublient un peu vite au passage que cette même nation américaine a pourtant accouché dans la douleur et dans le sang.

Les divergences philosophiques profondes et des conflits meurtriers ont été légion comme la célèbre Guerre de Sécession où s’affrontèrent les Nordistes, tenants d’une nation fédéraliste avec un État fort et les Sudistes, partisans d’une nation confédérale avec un État réduit à son strict minimum. Aujourd’hui encore, ces lignes de fracture perdurent dans les mentalités et se retrouvent d’ailleurs dans la hargne du Tea Party envers le pouvoir central de Washington et l’administration Obama.

En dépit de ces contradictions sous-jacentes mais opportunément mises sous le boisseau, le Tea Party déroule une symbolique magnifiée qui emprunte très abondamment à l’époque des insurgés américains. À chaque manifestation d’envergure, les supporters du Tea Party n’hésitent pas à ressortir des placards de l’Histoire, les tricornes, les perruques et les redingotes des insurgés des 13 colonies de la Nouvelle-Angleterre. Sans complexes, ils rejouent la scène version 2010 sous l’œil gourmand des médias trop ravis de saisir des images clinquantes à mi-chemin entre la fresque historique farfelue et le bal masqué de mauvais goût.

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« Tea Party » ou la marque de la vraie Amérique

Décorum plouc ou pas, les sympathisants n’ont qu’une obsession en tête lors de leurs rassemblements : établir le nom de Tea Party comme le label exclusif de l’Amérique authentique. À cet égard, la dénomination « Tea Party » fonctionne aujourd’hui véritablement comme le principe marketing de la marque ombrelle bien connu dans l’univers des biens de grande consommation. Ce principe permet de cautionner des déclinaisons de produits en les adossant à une marque puissante et notoire et ainsi de leur faire bénéficier de l’estampille rassurante de la marque mère.

Depuis 2009, le mouvement du Tea Party a ainsi essaimé sur tout le territoire américain. Si les dénominations varient selon les villes et les États, toutes revendiquent et accolent en revanche la mention « Tea Party » comme un sceau validant leur combat. Une marque qui dispose même de sa boutique de merchandising en ligne dans laquelle tout militant peut afficher ses sympathies envers le Tea Party.

Un roadshow contestataire né en Californie pour s’achever sur la côte Est dans le New Hampshire se baptise par exemple « Tea Party Express ». À Nashville dans le Tennessee, un groupe se désigne sous le nom de « Tea Party Nation » pour faire entendre son attachement au 2ème amendement de la Constitution (à savoir le droit de chaque citoyen de porter des armes). À Chicago, un « Tea Party Patriots » se forme pour pousser plus haut et plus fort le cri de colère du journaliste de CNBC, Rick Santelli.

Un autre groupe, émanation de l’ex-milice anti-immigration du Minutemen Project, se qualifie de « 1776 Tea Party » pour défendre Dieu et la Nation. L’association ResistNet reprend à son compte le sigle Tea Party pour appeler à la résistance contre la propagation du socialisme à travers les réseaux numériques. Une autre intitulée « White Plains Tea Party » entend faire tomber les élus d’un comté de l’État de New York au motif qu’ils ont oublié les fondamentaux constitutionnels. Et ainsi de suite à travers les USA.

Au total, près de 750 groupes agrègent et catalysent les mouvements d’humeur du Tea Party jusqu’au 15 avril 2009, date butoir qui marque le paiement des impôts pour les contribuables américains et par la même, une échéance métaphorique pour le mouvement de grogne. Avec un point d’orgue qui intervient le 12 septembre 2009 à Washington où une immense manifestation baptisée « Taxpayer March » fait converger des milliers de « tea partiers » en provenance de tous les États-Unis.

Tryptique basique pour citoyens excédés : Drapeau, Dollar et Dieu

Si le Tea Party a rallié autant de supporters sur le territoire américain, c’est parce que le mouvement ne s’embarrasse guère de circonvolutions oratoires pour frapper au cœur et convaincre son auditoire. Les arguments sont en règle générale basiques. Ils parlent de manière simpliste mais terriblement efficace des maux complexes de la nation à des Américains majoritairement blancs, souvent chrétiens convaincus, défenseurs en diable des valeurs familiales et patriotiques les plus strictes et plus étonnant, plutôt éduqués et aisés financièrement comme l’a révélé une enquête démographique du New York Times en avril 2010. Au final, leur poids est estimé à 18% de l’électorat américain.

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Le fonds de commerce argumentaire du Tea Party repose sur trois piliers indissociables qu’on pourrait résumer en trois mots-clés :

  • Drapeau ou haro sur le pouvoir central ! Les discours s’inspirent largement de la veine antifédéraliste qui avait combattu (en vain) la rédaction de la Constitution de Philadelphie en 1787 au motif qu’un pareil texte serait attentatoire à la liberté individuelle de chaque citoyen américain. Lois fédérales et élites politiciennes de Washington sont conspuées à longueur de temps pour avoir souillé les valeurs fondatrices du pays. Si les Républicains en prennent au passage pour leur grade, accusés d’avoir bradé leurs principes, c’est surtout Barack Obama qui cristallise les haines au point d’être dépeint régulièrement en dictateur sous les traits de Staline ou d’Hitler.
  • Dollar ou stop aux impôts ! C’est sans nul doute l’épine dorsale du Tea Party même si tous les militants ne l’admettent pas aussi ouvertement. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont l’impression d’être toujours les cochons de payants pour le sauvetage des banques frappées par la crise financière, l’aide aux chômeurs jugés fainéants et au final, l’impossible renflouement de l’abyssale dette publique. Pas étonnant qu’ils soient aussitôt montés en première ligne pour combattre le projet de réforme du système de santé américain entrepris par l’administration Obama début 2010. Un projet qu’ils qualifient de socialiste, voire de soviétisation de la société américaine.
  • Dieu ou retour aux principes chrétiens des Pères fondateurs. La référence à la chrétienté est récurrente dans les discours du Tea Party. Mais au-delà des convictions religieuses, elle sert aussi à plus ou moins « habiller » d’autres combats troubles contre l’immigration noire, asiatique et latino, contre les médias jugés trop gauchisants pour la plupart et contre l’islam qui attaque et envahit subrepticement l’Amérique. Là encore, c’est le président Obama qui sert de cible défouloir où il est qualifié de « Mau-Mau kenyan crypto-musulman ».

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Avec le Tea Party, les contre-vérités et les inventions à grosses mailles se ramassent à la pelle. Mais qu’importe, les militants trouvent là un exutoire réconfortant à leur colère et leur angoisse. Exemple pioché parmi les nombreuses affirmations du Tea Party : la loi sur la réforme du système de santé. Pour mobiliser, le Tea Party a alors prétexté que des « death panels » dirigés par des médecins bureaucrates allaient être mis en place pour euthanasier les personnes âgées si les ressources budgétaires pour les soins médicaux le requièrent !

Cet été toutefois, le Tea Party s’est efforcé de gagner un peu en consistance et d’étoffer sa rhétorique militante. Il s’est notamment doté d’un programme intitulé « Contract From America » qui repose sur 10 points clés devant impérativement structurer l’action publique de tout élu. À ce jour, le site Web spécialement dédié claironne avoir obtenu plus de 300 signatures de candidats et d’élus.

Poujadisme concentrique à la sauce américaine

À la différence des mastodontes antédiluviens de la vie politique américaine que sont l’éléphant républicain et l’âne démocrate, le Tea Party n’est pas à proprement parler un parti structuré comme tel mais plutôt un amalgame de contestataires en butte à l’oligarchie traditionnelle constituée par les Démocrates et les Républicains. Pour autant et fort de ses arguments massue, il opère çà et là des brèches qui bousculent les rentes politiques locales.

Une particularité de ce mouvement spontané et virulent est qu’il se déploie par capillarité sur tout le territoire. Soit en générant des boutures locales se réclamant ouvertement du Tea Party et griffées comme telles, soit en en bénéficiant du support logistique et financier de think tanks privés aux idées cousines comme par exemple, Americans for Tax Reform, Regular Folks United, Americans for Prosperity ou encore Freedom Works. Réservoirs à idées qui établissent en outre de nombreuses passerelles programmatiques avec l’aile dure des Républicains. Cette approche idéologique concentrique ne repose pas sur les épaules d’un leader charismatique mais se décline au contraire par le truchement de personnalités engagées et suscitant très facilement le buzz médiatique avec des déclarations à l’emporte-pièce.

C’est le cas par exemple de Christine O’Donnell, candidate malheureuse au Sénat dans l’État du Delaware. Sous des airs d’oie blanche un peu nunuche, elle a pourtant vite focalisé l’attention sur elle autour de deux phrases simplissimes mais séduisantes pour l’Américain blanc moyen : « I am You » et « Je n’ai pas fait Yale ».

Elle a gagné encore un peu plus en bruit médiatique en affichant pendant sa campagne électorale, son aversion avérée de la masturbation parce que synonyme d’adultère selon elle. Une notoriété à peine ternie lorsqu’une télé américaine exhume une vidéo de 1999 où elle racontait ses prestations de sorcellerie sur un autel satanique durant sa jeunesse !

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Quasiment partout, le Tea Party excelle dans l’art de confier ses couleurs à des candidats particulièrement clivants et ne reculant devant aucune déclaration tapageuse. Autre exemple dans le Nevada avec Sharron Angle (également vaincue dans sa tentative sénatoriale). Dans un même élan, elle appelle au boycott des Nations Unies qu’elle qualifie de « bastions gauchistes », affirme que la loi islamique de la charia doit être boutée des États-Unis car déjà en vigueur dans certains comtés et gaffe pour finir en confondant des écoliers latinos avec des écoliers asiatiques lors d’une visite dans un établissement scolaire.

Dans un registre quasi identique, Carl Paladino (battu lui aussi pour le poste de gouverneur de l’Etat de New York) a fait très fort au point de longtemps menacer dans les sondages son adversaire démocrate. Surnommé « Crazy Carl », l’ex-promoteur est parti en croisade contre la construction d’une mosquée sur les lieux même de Ground Zero où se sont écroulées les tours jumelles du World Trade Center, a étrillé la communauté gay en estimant « qu’il n’y a pas de quoi être fier quand on est un homosexuel dysfonctionnel. Ce n’est pas la façon dont Dieu nous a créé » avant de matraquer un adversaire politique en le traitant de « Hitler » et d’« Antéchrist »

Quand le Tea Party tisse sa Toile

En soi, les courants droitiers extrémistes et populistes ont toujours traversé chroniquement la scène politique américaine. Ils ont notamment nourri idéologiquement la campagne victorieuse de Ronald Reagan en 1980 ou celle échouée de Ross Perot en 1992. Pour autant, ils ne sont jamais réellement parvenus à décrocher une visibilité forte sur l’échiquier politique américain.

À la différence de ses précurseurs, le Tea Party jouit en revanche d’une viralisation et d’une médiatisation hors pair de ses idées. Pour vite émerger, le mouvement a su habilement combiner un activisme digital sans relâche sur Internet avec quelques puissants relais médiatiques au premier rang desquels figure la chaîne de télévision ultraconservatrice Fox News.

C’est d’abord sur le Web que le Tea Party a mené ses premières incursions militantes. À la suite de la blogueuse Keli Carender, une myriade de sites, blogs et autres plateformes militantes a champignonné sur Internet pour recruter de nouveaux adhérents et opérer un harcèlement numérique de grande ampleur auprès des élus républicains et démocrates.

Le site-blog de Freedom Works est particulièrement emblématique de cette capacité du Tea Party à s’emparer du levier d’influence que constitue le Web 2.0. Le site a notamment établi une cartographie exhaustive des candidats en lice pour le Tea Party. Il offre aux sympathisants la possibilité d’interagir avec eux et les noter en fonction de leur implication dans la campagne pour pousser les idées de Tea Party.

Dans la même optique mais à l’adresse cette fois des candidats sortants, le site Freedom Works propose des modèles de courriels sur différentes thématiques sensibles pour inonder les boîtes des élus, le tout étant mis à jour quotidiennement avec des graphiques, des courbes d’audience et des compteurs montrant la progression in situ des idées de Tea Party.

Rien n’est laissé au hasard. Chaque espace numérique est occupé comme il se doit. Sur YouTube par exemple, Tea Party s’est doté d’une chaîne intitulée « Tea Party Movie » qui retrace en images les différentes marches et meetings électoraux sur le territoire américain. Enfin, chaque site renvoie à d’autres sites de la même obédience constituant ainsi un maillage incroyablement dense dans lequel le militant peut largement trouver de quoi étayer ses convictions.

Les militants sont de surcroît vivement encouragés à s’emparer de tous les outils électroniques qui sont à leur portée. Un reportage d’Hélène Vissière, correspondante aux États-Unis du magazine Le Point, raconte ainsi un meeting électoral qui se double d’une séance de formation intensive aux médias sociaux où l’on enseigne l’usage de Twitter ou encore l’entrisme éditorial sur Wikipedia pour orienter les définitions sur des sujets sensibles et chers au Tea Party.

Quand les médias prêtent leur porte-voix

Si Tea Party s’est taillé un inexpugnable bastion numérique, ce dernier n’aurait probablement guère pu dépasser les bornes du Web si des relais médiatiques classiques puissants n’avaient pas prêté leur concours et relayé à plus grande échelle. La stratégie médiatique de Tea Party a donc consisté à investir les tribunes d’expression que sont les stations de radio et les journaux locaux. Jugée gauchiste irrécupérable et de mèche avec les élites politiques, la presse nationale a en revanche été largement boycottée, exceptée la chaîne TV Fox News connue pour ses engagements droitiers musclés.

Sur cette chaîne détenue par le magnat de la presse Rupert Murdoch, un homme est particulièrement à la pointe de la lutte pour le conservatisme. Il s’agit du polémiste et animateur Glenn Beck. Inlassable pourfendeur des adversaires du conservatisme, l’homme multiplie les interventions et les talk-shows dans les radios, sur les sites Web. En parallèle, il écrit dans le magazine mensuel Fusion et a déjà publié six livres brûlots. Mais c’est véritablement sur Fox News qu’il fait le plus parler la poudre argumentaire avec une émission intitulée « les vendredis des fondateurs ».

Dans ce programme, il donne libre cours à sa réinterprétation personnelle de l’histoire des États-Unis pour mieux asséner ses convictions militantes. Ainsi, il n’a pas hésité à se réapproprier à sa sauce le symbole de la célèbre marche de Martin Luther King sur Washington en août 1962 pour dérouler la sienne 47 ans plus tard dans la même ville mais cette fois tout à la gloire des militaires, des patriotes et des supporters du Tea Party sous la bannière de « Restaurer l’honneur de l’Amérique ».

En plus de cet omniprésent et puissant porte-voix qui touche près de 3 millions de téléspectateurs avec son show et 10 millions d’auditeurs du Sud et du Midwest avec ses programmes radio, le Tea Party s’appuie également sur l’impact non moins négligeable d’un autre vibrion en croisade : Rush Limbaugh. Prédicateur halluciné à la radio, il martèle en boucle et sans discontinuer l’argumentaire contestataire du Tea Party qu’il décline ensuite sur son portail Internet personnel.

Le Tea Party dans les griffes de Mama Grizzly ?

Malgré une mobilisation intense, le Tea Party n’a pas engrangé autant de sièges qu’il escomptait lors des élections de mi-mandat. Certes, il s’empare des postes de gouverneur en Floride, dans le Maine et en Caroline du Sud. Il signe également son entrée sur les bancs du Sénat avec le gain de sièges en Floride, en Caroline du Sud et dans le Kentucky. Néanmoins, on est encore loin du tsunami électoral qu’espéraient voir déferler les « insurgés » du Tea Party au Congrès américain.

Peut-on parler pour autant de mouvement voué à refluer dans l’anonymat des sites militants de la Toile ? Rien n’est moins sûr. La percée médiatique de l’hétéroclite attelage du Tea Party a notamment bénéficié à une personnalité politique républicaine atypique : Sarah Palin. Ex-co-listière du malheureux candidat républicain John McCain à la présidence des États-Unis en 2008 et ancienne gouverneure de l’État d’Alaska, Sarah Palin surfe sans vergogne sur la vague de fond contestataire amplifiée par le Tea Party durant ces vingt derniers mois.

L’image rustique et authentique qu’elle s’échine à cultiver s’emboîte plutôt bien avec le socle argumentaire du Tea Party. Son autobiographie à succès en atteste. Going Rogue – An American Life (littéralement « Entrée en rébellion ») figure en très bonne place dans les ventes en librairies au point d’avoir supplanté les Mémoires d’une autre figure emblématique de la vie politique américaine, Bill Clinton.

Dans ce livre, elle jongle à l’envi avec des valeurs très similaires à celles véhiculées par Tea Party. Elle porte fièrement en bandoulière son origine villageoise de Wasilla, improbable patelin de 5500 habitants situé aux confins de l’Alaska. Origine qui la rend de fait en termes d’image, empathique et proche des aspirations du peuple américain. Elle y décline aussi sous toutes les coutures le concept « palinien » de la Mama Grizzly : une mère de famille active et engagée, une femme au physique flatteur et au maquillage enjôleur, une femme au langage tranché qui n’hésite pas à en remontrer aux hommes, notamment avec son expression fétiche de « Man Up » (littéralement « Sois un homme »).

C’est exactement l’incarnation de ce concept de mère conservatrice que l’on retrouve à travers plusieurs figures de proue féminines de Tea Party ou assimilées. Qu’il s’agisse de Michele Bachmann, députée du Minnesota, Christine O’Donnell, candidate battue du Delaware, Nikki Haley, élue gouverneur de la Caroline du Sud ou encore Dana Loesch, co-fondatrice du Tea Party de Saint-Louis/Missouri, toutes possèdent en commun d’être un clone parfait de « Mama Grizzly ». Laquelle n’a d’ailleurs pas hésité à leur prêter main forte et à s’afficher à leurs côtés lors de la dernière campagne électorale.

Conclusion – Palin, future tasse de thé du Tea Party ?

Même les Démocrates et les Républicains modérés en conviennent. La bataille électorale de mi-mandat de novembre 2010 a ouvert des brèches durables pour le Tea Party. Que le mouvement survive ou s’effiloche, il aura dans tous les cas ancré certaines revendications droitières au sein d’une forte frange de l’électorat américain.

Faut-il y voir une coïncidence fortuite ? Toujours est-il que Sarah Palin vient d’enclencher la vitesse supérieure en matière de communication. Déjà forte d’une page Facebook qui rassemble 2,4 millions de fans, d’un fil Twitter qui compte près de 300 000 abonnés et de deux sites militants dédiés à son œuvre (Conservatives4Palin et Team Sarah), l’égérie populiste de l’Alaska s’apprête à publier courant novembre un deuxième livre sous le titre à la tonalité très Tea Party de « America by Heart : Reflections on Family, Faith and Flag ».

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Alors peut-on parler d’OPA communicante sur le Tea Party ? Sarah Palin dispose en tout cas de tous les atouts pour capter et engranger l’écho acquis par le jeune mouvement populiste. En janvier 2010, elle a signé avec Fox News un contrat de 3 ans pour livrer ses commentaires sur l’actualité et participer à un show sur la même chaîne baptisé « Real American Heroes » où elle met en exergue des héros de l’Amérique injustement ignorés.

Plus fort encore ! Depuis le 14 novembre sur la chaîne câblée TLC, Sarah Palin présente « Sarah Palin’s Alaska », un programme de télé-réalité tout à la gloire de … Sarah Palin elle-même. La bande annonce est à l’aune de l’imagerie « Far West » du Tea Party. Elle s’attarde sur la vie au grand air de Mama Grizzly, fusil à lunettes ou canne à pêche en main, à l’affût dans les immensités sauvages de l’Alaska. À la touche Davy Crockett, trappeur tout droit surgi de la mythique « Wild Frontier », succède ensuite une maman sportive et décontractée qui se double d’un rôle de chef de tribu familiale entouré d’une progéniture aux dents blanches et aux joues roses.

Pour rameuter le ban et l’arrière-ban des fans de l’égérie d’Alaska, la chaîne TLC n’a pas lésiné sur les outils de communication : un site dédié, un compte Twitter, une page Facebook de « Sarah Palin’s America » sont disponibles en ligne pour suivre et commenter les aventures de celle à qui l’on prête l’intention de se présenter à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2012.

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Hypothèse farfelue ? À voir si l’on se fie au sondage Gallup de juillet 2010 qui la créditait de 76% d’opinions favorables au sein du Parti Républicain (avec 11 points d’avance sur son rival Mitt Romney). Un autre sondage publié par le magazine National Journal montrait qu’en cas de duel Obama-Palin, les électeurs masculins donneraient 2 points d’avance à Palin. L’heure du thé a peut-être sonné pour Sarah Palin.

À lire en complément

- L’interview de François Vergniolle de Chantal, chercheur en sciences politiques et civilisation américaine – « L’inconnue Tea Party » – Le Monde Magazine – 30 octobre 2010
- L’article de Denis Lacorne, directeur de recherches à Sciences Po – « Tea Party, une vague de fond » – Le Monde – 19 octobre 2010
- L’enquête sur Sarah Palin par Fabrice Rousselot – « Pour une Maison bien blanche » – Libération – 16 octobre 2010
- Le livre de Kate Zernike, journaliste au New York TimesBoiling Mad – Inside Tea Party America – Times Books – 2010
- La biographie critique sur Glenn Beck d’Alexander Zaitchik, journaliste d’investigation – Common nonsense : Glenn Beck and the Triumph of Ignorance – Wiley – 2010
- L’excellent blog « I Love Politics » des journalistes Marjorie Paillon et Julien Landfried qui décrypte la communication politique aux Etats-Unis
- Dans le même registre, le blog « Great America » des journalistes Lorraine Millot et Fabrice Rousselot, correspondants de Libération aux Etats-Unis
- En bonus, un hallucinant dessin animé vidéo pour expliquer le Tea Party. Tout est résumé !

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Crédits photo cc FlickR : Truthout.org, ragesoss, Les_Stockton, messay.com, dmixo6.

Article initialement publié sur Le blog du communicant 2.0.

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