OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les ONG comptent les morts de Duékoué http://owni.fr/2011/04/13/les-ong-comptent-les-morts-de-duekoue/ http://owni.fr/2011/04/13/les-ong-comptent-les-morts-de-duekoue/#comments Wed, 13 Apr 2011 11:30:42 +0000 Solène Cordier http://owni.fr/?p=56714 Dans n’importe quel conflit, la publication du nombre de morts a des conséquences stratégiques. En Côte d’Ivoire, depuis le début des affrontements violents entre les partisans de Laurent Gbagbo et ceux d’Alassane Ouattara, les estimations qui paraissent dans la presse restent vagues : le 6 avril, l’ONU évoquait “des dizaines de morts” à l’arme lourde à Abidjan lors des combats annoncés comme décisifs, une dépêche de l’Agence France Presse précisant toutefois que “le bilan des morts pourrait être beaucoup plus lourd”.

Seuls les affrontements, a priori intercommunautaires, qui se sont déroulés entre le 27 et le 29 mars ont donné lieu à des estimations précises… et multiples. Ces combats, qui se sont déroulés à Duékoué, dans l’ouest du pays, ont marqué un tournant important dans l’avancée des troupes pro-Ouattara.
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Très vite, les organisations humanitaires présentes sur place ont communiqué un bilan des morts. Pour l’ONU, 330 Ivoiriens ont été massacrés à Duékoué. Le Comité International de la Croix Rouge (CICR) a de son côté dénombré “au moins 800 victimes” tandis que l’ONG Caritas évoquait un millier de morts.

Cette dernière estimation n’a pas été du goût de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Ali Coulibaly, qui a déclaré au micro de France Info le 4 avril:

Et c’est Caritas, le Secours catholique ici, une ONG proche de l’Eglise, qui avance ce chiffre de 1000 morts, sans aucune investigation. Quand on sait que cette ONG est proche de l’Eglise, et que l’Eglise n’a jamais voulu de la victoire d’Alassane Ouattara (…) c’est quand même sujet à question ce que Caritas est en train de faire.

Un porte-parole de Ouattara avait de son côté indiqué le 3 avril avoir dénombré 152 cadavres, et non des centaines.

Évaluer le nombre de victimes

Au-delà de l’aspect macabre, cette diversité de chiffres pose la question de l’évaluation du nombre de victimes lors d’un conflit. Les méthodes employées par les ONG pour parvenir à un décompte sont diverses.

Pour calculer par exemple un taux de mortalité provoqué par une épidémie, les humanitaires utilisent la méthodologie des sondages : un “échantillon représentatif” de la population est sélectionné et interrogé sur les pertes subies dans une période donnée. Un ratio est alors trouvé. De même, les ONG qui interviennent dans les camps de réfugiés ont recours à ce type de procédés.

Une autre méthode consiste à compter le nombre de cadavres retrouvés après un combat, soit de visu, soit en cherchant les tombes fraiches dans un périmètre correspondant à celui des affrontements.

Enfin, certaines ONG utilisent un procédé plus indirect, qui repose sur des discussions avec des témoins oculaires. Cette méthode, fréquente, a l’inconvénient d’être forcément plus approximative car, comme l’explique le médecin Rony Brauman, ancien président de Médecins sans Frontières (MSF) :

On est souvent pris par un mouvement de sympathie vis-à-vis des gens qui rapportent des massacres.

Dans le cas de Duékoué, il est probable que l’ONG Caritas ait eu recours à ces témoignages pour parvenir au bilan de 1000 morts. Interrogés, les représentants du Secours Catholique, la branche française du réseau Caritas, et ceux de Caritas International n’étaient pas en mesure mercredi 6 avril de répondre à ces questions, les délégués de Caritas Côte d’Ivoire étant “injoignables depuis le 4 avril”.

Beaucoup d’ONG ne procèdent pas elles-mêmes à ces comptages, préférant s’appuyer – quand ils existent – sur les chiffres des Nations Unies ou du CICR. Ce dernier est la seule organisation humanitaire disposant d’un mandat de droit international issu des conventions de Genève. Sa mission est d’intervenir dans les crises humanitaires résultant de conflits armés internationaux ou nationaux. Sa neutralité est unanimement reconnue par l’ensemble des acteurs de l’humanitaire.

En Côte d’Ivoire, nombreux sont ceux qui n’accordent pas le même crédit aux informations provenant de l’ONU, considérée comme partie prenante du conflit.

Le CICR sort de sa réserve

Or, à la différence de certaines ONG, qui ont parfois une logique de communication alarmiste, il est peu fréquent que le CICR alerte l’opinion en publiant des chiffres. Pour Frédéric Joli, porte-parole de l’organisation en France, “dans le cas de Duékoué, nos délégués présents sur place ont recueilli des témoignages directs suffisamment alarmants pour qu’un décompte des morts soit effectué et que nous communiquions dessus.” C’est donc assez exceptionnel que le CICR sorte de sa réserve. Au Darfour par exemple, aucun chiffre des massacres n’avait été communiqué à chaud.

Les ONG et le CICR n’adoptent donc pas la même attitude face aux chiffres. Pour les premières, rendre compte de l’ampleur d’un massacre le plus rapidement possible permet parfois de justifier leur présence sur place et de disposer ainsi d’un argument de poids pour obtenir des fonds des bailleurs internationaux. Certaines visées politiques, assumées ou non, peuvent aussi sous-tendre ces annonces.

Dans le cas présent, cette bataille des chiffres intervient dans un contexte politique très tendu. Les massacres ont dans un premier temps été imputés aux partisans de Laurent Gbagbo avant que les forces de Ouattara, le candidat de la communauté internationale, soient accusées par l’Onuci d’être “en grande partie” responsables.

Une enquête internationale a été demandée. Il est fort probable qu’il se passe longtemps avant que l’on sache combien de gens sont morts à Duékoué entre le 27 et le 29 mars 2011.



Article initialement publié sur Youphil sous le titre : “Côte d’Ivoire : comment les ONG comptent les morts”

Photo FlickR by-sa Sunset Parkerpix

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Quand les geeks se penchent sur les crises http://owni.fr/2010/08/18/quand-les-geeks-se-penchent-sur-les-crises/ http://owni.fr/2010/08/18/quand-les-geeks-se-penchent-sur-les-crises/#comments Wed, 18 Aug 2010 10:16:22 +0000 Solène Cordier http://owni.fr/?p=25077

“Tout individu collabore à l’ensemble du cosmos”. Une poignée de geeks a fait sienne cette citation de Friedrich Nietzsche et espère apporter sa pierre à l’édifice humanitaire. En effet, avec l’avènement des nouvelles technologies, citoyens, blogueurs et hackers peuvent maintenant mettre en commun leur créativité.

Cette transformation est révolutionnaire pour le fonctionnement général des sociabilités, mais aussi pour un secteur comme l’humanitaire. Désormais, dès le déclenchement d’une crise, le web participe, à travers les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Wiki) à l’organisation d’une solidarité mondiale. De nouvelles pratiques s’installent, qu’il s’agisse des dons aux ONG via le web ou de la diffusion d’informations.

Lors du séisme d’Haïti, c’est notamment grâce au site de microblogging Twitter que le journaliste haïtien Carel Pédré a maintenu un lien avec les médias du monde entier et les a informés de la situation.

Geeks + cartographes + traducteurs

Un nouveau venu se distingue dans cette masse de solidarités en action: le mouvement des Crisis Camps.

Cartographes, traducteurs ou simples geeks, ses membres partagent le désir de mettre leurs compétences au service des autres en cas de crise. Aux États-Unis, où le mouvement est né en 2009, cela s’est notamment traduit lors de la marée noire dans le Golfe du Mexique par la création d’une application iPhone. “Oil Reporter” permet aux habitants de signaler la présence d’une quantité importante de pétrole, ce qui aide les autorités compétentes pour le nettoyage des zones polluées.

En France, cette communauté est encore balbutiante. “Les Crisis Camps désignent à la fois les réunions organisées en amont et le fait de se mobiliser en cas de catastrophe”, explique Claude Suna, qui a eu connaissance du mouvement américain en tenant un “live-blogging” sur Haïti. Les cartographes d’Openstreetmap et les traducteurs de Global Voices font aussi partie de l’aventure.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Vidéo présentant le développement rapide des points de reports sur Openstreetmap suite au tremblement de terre en Haïti

L’acte de naissance français remonte au 24 avril, date à laquelle les membres se sont réunis dans un haut lieu parisien de la culture internet: la Cantine. Lors de cette “non conférence” comme l’appellent les participants, les quelques 70 inscrits ont pu échanger sur leur vision du mouvement et sur la manière la plus simple et efficace de se mobiliser lors de la prochaine crise. “On peut imaginer par exemple un Wiki où chacun pourrait être éditeur de contenus”, indique Claude Suna.

De nouveaux partenaires pour les spécialistes de l’urgence

Dernière lubie en date des forcenés de l’ordi? Pas seulement, si on en croit le lieu de réunion de leur premier congrès international: le bureau présidentiel de la Banque Mondiale. Du 15 au 17 juillet, les représentants de chaque entité nationale se sont retrouvés à Washington pour organiser le mouvement Crisis Commons (son nom international). Des universitaires, des représentants d’agences gouvernementales et d’ONG ainsi que des consultants du secteur privé sont venus échanger avec ces nouveaux partenaires. Pourtant, à l’heure actuelle, les Crisis Camps peinent à sortir d’un cercle d’initiés.

“Dans les semaines qui viennent, nous allons voir comment nous coordonner, à la fois entre les différents pays et avec les institutions existantes”, explique Gaël Musquet, le représentant français au congrès. Concrètement, cela pourrait se traduire par la mise en ligne, sur les pages des ONG, d’un lien vers la plateforme Crisis Camp qui agrégerait l’ensemble des informations sur une catastrophe donnée.

“On n’est absolument pas en concurrence avec les acteurs de l’humanitaire”, tient à préciser Gaël Musquet, qui présente l’initiative des Crisis Camps comme “une réaction à la mauvaise utilisation que font les gouvernements des nouvelles technologies”. Lors du séisme survenu à Port-au-Prince, les Crisis Camp américains et canadiens ont ainsi travaillé avec le gouvernement haïtien.

Quant au modèle économique des Crisis Camps, il devrait varier en fonction des législations nationales. Fondations dans le monde anglo-saxon, associations autre part, le choix du statut fait aussi partie des discussions en cours. “Tout dépend des volontaires qui s’engagent dans ce projet”, résume Gaël Musquet. Qui, du témoin qui envoie par SMS à la plateforme Ushahidi une information sur un conflit à l’internaute qui “twittera” une information, pourra être considéré comme un contributeur? Réponse à la prochaine crise.

Article initialement publié sur Youphil

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